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le blog de luciole
8 mars 2006

Dernière épreuve

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Réveillée bien avant l'heure nécessaire, j'essaye de gagner quelques minutes de repos supplémentaire... Rien à faire... Mon cerveau est déjà en ébullition et mon corps préfèrerait se retrouver sur ses deux jambes, libre de ses mouvements... Je renonce, je me lève.
Je tente de m'attacher  à ce que je fais, préparer le petit déjeuner, sortir le thé de son sachet, le mettre dans la théière, faire frissonner l'eau, verser... Je fais griller quelques tartines...
Pour être encore plus sûre de ne pas trop cogiter à ce qui m'attend, je prend mon petit déjeuner devant mon ordinateur, je lis des blogs, je regarde des photos... Je lutte contre le trac, le stress, les mains moites... Une soeur sourire me décroche un rire comme une bonne surprise... Je prends une bouffée d'air.
Je m'habille, dans ce genre d'épreuve, fût un temps ou je me serais apprêtée. Là, non, je veux me sentir bien, être ce que je suis, comme d'habitude. Je vais devoir improviser une séance de travail de 45 minutes avec des élèves que je ne connais pas sur un texte dont j'ignore encore tout pour le moment. Je me répète en boucle que je fais ça chaque début d'année. Je me retrouve en face d'élèves dont j'ignore tout et j'improvise une séance pour faire connaissance. J'improvise toujours la première séance, j'ai remarqué que ça m'allait mieux, une question d'obligation d'adaptation, je suppose.
Bref, me voilà prête, je pars chercher la voiture qu'un ami me prête pour aller jusqu'en Avignon. C'est là bas, au conservatoire, en face du Palais des Papes que se déroule l'épreuve.
J'arrive chez cet ami, je suis en avance, ça le fait rire, il fait comme d'habitude, il se moque de moi, ça a le mérite de me détendre. Il me propose un thé.  Nous parlons de l'épreuve, de son déroulement. Cette personne me soutient depuis le début des examens, il m'a prêté des livres, m'a beaucoup poussé pour que je le passe, je le remercie au passage.
Nous allons jusqu'à sa voiture, grande, confortable, facile à conduire, du velours pour la route...
Je passe un petit coup de file à mon Il : " Voilà, c'est partie - bon courage, je pense à toi- je t'aime - je t'embrasse- ". Me voilà seule vraiment maintenant, j'ai deux heures trente de voyages pour m'enfoncer dans la concentration. En vérité j'aime conduire, j'aime ce moment où, à la fois je dois être concentrée sur la route et où, en même temps une partie de ma tête est déjà en train de passer l'épreuve.
Je vois beaucoup de jaune sur les bords de route, mimosas et autres splendeurs, je me dis : " tiens j'écrirai mon voyage vers l'épreuve"
J'avale les kilomètres, dans l'autoradio il y a une cassette de Cabrel. Chanteur pour midinette aux images pas toujours subtiles, mais je ne sais comment il fait, ça prend, j'aime bien Cabrel... Beaucoup de nostalgie, de douceur, de temps en temps un trip un peu folk... Bref c'est parfait pour la route... Mon esprit dérive entre souvenirs d'un temps ou je l'écoutais en boucle, mes 10 ans, j'adorais la "dame de haute Savoie" et ce temps présent qui me rapproche de la dernière épreuve du D.E d'enseignement du théâtre.
J'arrive en Avignon bien avant l'heure de ma convocation. J'ai le temps d'aller manger une crêpe dans un bar. Je prends un bouquin, j'y reste une heure. Mes mains sont de plus en plus moites, mon esprit à de plus en plus de mal à suivre ce que je lis... Je renonce...
Je vais faire un tour dans les jardins du Palais des Papes. Je tombe au coeur d'une manifestation contre le contrat première embauche. Dans les jardins, presque sur chaque banc il y a un couple de jeunes tourtereaux. La manif a cet avantage, pas au lycée, légèrement éloignés du centre du regroupement, ils peuvent se retrouver tout à leurs amours... Et oui, il y a des priorités dans la vie et bien sur, s'embrasser sur un banc à l'abri des regards et du vent en est une... Ce qui est amusant c'est qu'ils sont si nombreux ce jour là.
L'heure passe, je regrette de ne pas avoir emmené mon appareil photo, il y avait tant de choses à saisir...
Je vais me présenter à ma convocation.
On me met dans une pièce avec un formulaire, qui m'explique le déroulement de l'épreuve. Il y a un premier tirage au sort parmi 22 possibilités, ces 22 contiennent chacune trois textes. Le candidat devra faire un choix dans ces trois là.
On m'indique qu'il y a cinq élèves. J'en saurais un peu plus quand je serais présentée au jury.
J'attends, quelqu'un d'autre est en train de finir son épreuve... J'attends. Je suis dans un mélange d'excitation et de trac. Je respire, je me répète encore que j'en ai vu d'autres. On vient me cherche pour me présenter au jury. Ce sont les mêmes que pour l'oral que j'ai passé en novembre dernier. Ils se souviennent de moi, la présentation est donc courte. J'apprends que les cinq élèves ont entre 20 et 25 ans, qu'ils ont environ deux ans de théâtre derrière eux, qu'il y a deux garçons et trois filles.
On me fait piocher en fermant les yeux dans une sacoche, je commence à m'amuser, j'ai l'impression de participer au tirage du loto ou des chiffres et des lettres. On me donne les trois textes... J'ai le choix entre Brecht, LaBiche, Peter Handke... Je sais déjà que se ne sera pas Labiche, je le lis quand même par acquis de conscience, non, ça ne m'inspire pas. Je lis Brecht, c'est tentant, j'aime la poésie qui se dégage du texte, mais Brecht en même temps c'est périlleux, un tel pilier du théâtre, il n'y a pas intérêt à faire de contre sens. J'ai lu la dite pièce il y a un ou deux ans, j'en garde des traces un peu floue. Peter Handke et son outrage au publique, olala, vu, revu et corrigé, je me décide pour Brecht. On me renvoie dans mon petit coin, j'ai quinze minutes pour préparer la séance de travail. J'en ai pris cinq. Je vais faire une préparation physique sur le relâchement, la confiance, l'abandon. Je mêlerais voix et corps pour ne pas y passer trop de temps. L'extrait est pour deux garçons, je demanderais aux filles de créer un tableau parallèle  à ce que les personnages disent. Il est question d'une jeune fille pure qui éveille le désir  mais qui trop idéalisée devient inaccessible. Elles ont de quoi faire.
On revient me chercher. Je me présente aux élèves. Je commence la séance de travail. A partir de là, je ne me souviens pas de grand chose, sauf que j'ai complètement oublié la présence du jury. J'ai donné un cours comme j'en donne depuis dix ans maintenant. J'ai aimé travaillé avec ces jeunes gens, disponibles, curieux, ouverts. Et puis un peu de chance, on m'a signalé qu'il me restait 5 minutes quand l'élève sur lequel j'ai plus appuyé mon travail a eu un déclic sur ce que je lui demandais. Je leur ai laissé la possibilité de me poser des questions sur la séance de travail qu'on venait de faire, ça m'a permis d'apporter des précisions. J’étais contente, tranquille, confiante.
On est passé à la deuxième étape, celle que j'appréhendais. Entretien avec le jury sur le pourquoi du comment, sur les prolongements possibles... Je n'ai pas le discours pédago très au point, je suis très instinctive. Il a fallu justifier de mes instincts. Ils ne m'ont pas gardée longtemps, j'étais la dernière de la journée. Je ne pourrais présumée de ce qu'ils ont ressenti.

En sortant de là j'étais contente d'abord parce que c'était fini, je me sentais surexcitée. Les élèves m'avaient attendu pour discuter avec moi, j'ai trouvé ça vraiment sympa. On a parlé du travail, c'était chouette. Je ris parce que je me dis que même avec des inconnus qui ne me reverront jamais, je trouve ce climat de discussions et d'échange après le travail.
J'appelle mon Il, je lui ai refait en boucle la séance. J'alternais entre : " alors tu vois je lui ai répondu ça, je crois que c'était bien" et : " j'espère qu'ils vont me le filer ce putain de diplôme!"...
Il m'a écouté avec beaucoup de patience... sourire... Et puis j'ai repris la route, deux heures trente, de nuit.
Là, j'ai refait pour moi, en boucle, toute la séance et l'entretien qui avait suivi. Sur la séance en elle même je n'ai pas eu de doute particulier parce que j'ai été ce que je suis. Bien sur tout aurait pu être fait différemment, mais j'ai confiance dans mes choix, fussent ils instinctifs... J'ai commencé à avoir des doutes sur l'entretien. Là j'aurais du dire ça parce que c'est plus ma vérité... Comme toujours, pas très performante dans ce genre de situations.
En résumé je me dis que je n'ai besoin que d'avoir au moins dix sur 20... Alors j'y crois. Ce n'est pas un concours, c'est un examen, on n’est pas en concurrence avec les autres candidats. Alors voilà... On verra bien... Réponse, dans le courant de la semaine prochaine.
J'ai rapporté la voiture à cet ami, on a été boire une bière, la tension s'est relâchée. Rentrée à la maison, coucou à mon Il, manger, mail aux amis qui m'ont laissé des petits messages d'encouragement qui font chaud au coeur, et enfin, DODO!

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Commentaires
L
C'est en fait la seule chose qui compte vraiment, cet échange pendant et après le travail. sourire...
A
Ben vi...<br /> C'est sympa que "tes élèves" soient venus te parler. Ca a quelque chose de rassurant, non ?
L
rire, oui enfin j'ai bien galéré pendant quelques années puis ils ont finis pas me lacher et je suis de nouveau intrmittente depuis septembre. Mais en effet, j'ai trouvé le moyen de vivre presque de théâtre et d'eau fraîche en quelques sortes... Franchement c'est épuisant et je suis bien contente que ce soit passé... <br /> Oui, de manière générale je comprends qu'on s'interroge, je me méfie des certitudes et je suis touchée par certaines révoltes... sourire...
A
« Vivre pour moi c'est créer, j'ai de multiples outils pour cela, je n'en rejette aucun, on me prive de certain, tant pis, j'en trouverais d'autres. »<br /> Ça, j'en suis bien certaine, toi qui vit depuis des années sans le statut de l'intermittent du spectacle à cause d'obscurs couillons des Assedic et qui a appris à t'en passer :-)<br /> <br /> Et Paco a deux fois raison. Sur ce qui ne ressemble pas à Luciole et sur l'entrisme. J'ai choisi l'une des deux voie, mais je ne suis toujours pas sûre que ce soit la bonne :-)
P
Après réflexion, Florence, tu remet sur le tapis le vieux débat de l'entrisme. Quand j'étais jeune (;-), nous avions déjà des discussions interminables entre les révolutionnaires pur" et ceux qui pensaient qu'il valait mieux s'insérer dans la société pour la changer de l'intérieur. Je n'ai toujours pas de réponse à cette question.
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