Blues post réprésentation...
Il est tard, j'ai joué ce soir... Pas contente de ma prestation... Trop tendue, pas assez concentrée, public difficile, pas pris assez de plaisir, métier de maso parfois... Allez ce soir blues post représentation...
Doutage d'une comédienne qui rame, une petite comédienne qui fait son métier le plus sincèrement possible, qui sent la frustration de ne plus progresser, qui sent poindre l'ennui et la démotivation, qui se dit qui faudrait qu'elle se mette des gros coups de pompes dans le derrière. Qu'a peur de pas trouver le moteur, de plus trouver le moteur, de la panne sèche. Du talent, oui, du talent sans doute, mais ça suffit tellement pas, il faudrait tellement plus de travail! Bon aller va pas pleurer sur son sort non plus, va pas commencer à paniquer, de toute façon, ce soir pas en état d'être constructive, c'est le blues post repésentation, faut laisser glisser...
Faut pas faire la trop fière, elle le sait, elle veut aller plus loin et elle a la trouille d'avoir les yeux plus grand que le ventre. Parce que bon, elle voudrait partir, elle voudrait aller là où elle peut progresser, mais les portes vont elles s'ouvrir? Et comment elle va gagner sa vie et comment, alors que tout est si cher maintenant, elle va pouvoir continuer? Parce que bon, un moment y'en a marre de courir derrière les sous aussi... Faut pas y penser qu'elle se répète, faut faire confiance, seulement ce soir, elle est pas contente de ce qu'elle a vécu, parce que y'en a marre aussi de faire de l'à peu près, ça valait pas plus, c'était une petite date, petitement payée, dans un cadre sympathique pour l'accueil des organisateurs mais pour un public qui vient gratuitement et qui s'en fou, un public qui vient se bidonner sur la gueule des artistes et qu'il faut bluffer, alors on finit par y arriver et les deux tiers du spectacle sont déjà passé et on sort en ayant l'impression d'avoir été sur un ring, et on se dit: "Putain, j'en ai marre, on a plus l'enthousiasme d'il y a dix ans, on en a vécu trop des plans comme ceux là, on aimerait progresser. Et puis on pense au vieil artiste du coin qui fait chier tout le monde à parler du bon vieux temps, qu'on sent toujours si malheureux et un peu aigri et on se dit: "pitié, que je ne vive pas ça, que je ne finisse pas comme ça!" Et on cherche l'issue!
Voilà, c'est le blues post représentation, faut laissé glisser, ça va passer...