Déformation professionnelle
Cette petite phrase trotte dans ma tête depuis hier. Je souffre de déformation professionnelle, en tant que metteur en scène j'ai non seulement l'habitude de dire aux gens ce qu'ils doivent faire mais aussi ce qu'ils doivent ressentir. De retour dans la vrai vie , je me retrouve toute étonnée de ne pouvoir faire de même.
Cette pensée me fait rire, parce que c'est énorme de se dire qu'on se prend pour le metteur en scène de sa propre vie et de fait de celle des autres! Je me vois très bien me dire en mon fort intérieur: " comment? Tu n'es pas amoureux de moi? Comment? Tu ne veux pas passer ton week end avec moi?" Et me voilà rendue au rang de petite fille capricieuse qui ne sait pas gérer la frustration, qui vie dans un sentiment d'injustice très fort.
Petite fille, je ne supportais pas qu'on me dise: "non!" Sans me dire pourquoi. Je ne supportais que très mal qu'on décide de ma vie à ma place. Je n'ai pas tant changée... Et me voilà à vouloir dicter les sentiments... Les sentiments! Ce qui est le moins contrôlable, explicable, ce qui est le plus mystérieux, le plus complexe chez l'être humain, et que j'ai pourtant appris par mon métier de comédienne et d'enseignante à contrôler et expliquer. J'ai appris à mettre en scène leur force, leur mystère et leur magie.
Il y a un désir originel à tout cela, le désir de l'indépendance, il y a une peur originelle à tout cela, la peur de n'être pas aimable.
Ma route m'a menée tout droit et sans détour vers ce métier, ma rédemption, mon sauveur, mais je reste perdue, terrifiée, comme blanche neige dans la forêt qui pourtant si obscure et terrifiante soit elle l'est moins que la maison de son enfance.
Il me reste cette capacité d'auto dérision:
"Et non petite luciole, dans la forêt, si tu rencontres les sept nains, moitié hommes, moitié enfants, tu ne referas pas leur éducation, tu ne leur diras pas ce qu'il convient de ressentir, il y a peu de chance qu'ils t'offrent un refuge pour te protéger de ton enfance, et aucune que le prince charmant vienne te chercher. Non, dans la forêt tu rencontreras d'autres personnes, hommes, femmes, comme toi avec une histoire, et au mieux pourrez vous faire la route ensemble, la route qui vous éloigne de votre enfance et vous mène inexorablement tous au seuil de votre mort."
Alors, voilà deux jours que je rie de moi et de ma candeur, pourvu que ce rire ne me quitte pas, le rire c'est la meilleur arme contre la peur.